skierka2_SAM PANTHAKYAFP via Getty Images_solar farm india SAM PANTHAKYAFP via Getty Images

Une politique de petits pas pour combattre les changements climatiques

SAN FRANCISCO/WASHINGTON, DC – Lorsqu’il sert à qualifier les sécheresses, les incendies de forêt, les ouragans, des inondations ou d’autres événements météorologiques extrêmes, le terme « sans précédent » devient usé. En août, à la parution du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat portant sur les dures réalités auxquelles nous sommes confrontés, une sécheresse exacerbée par le réchauffement planétaire sévissait déjà pendant des années presque partout en Afrique australe.

Il semble bien que les dirigeants mondiaux soient finalement prêts à prendre des mesures concrètes, mais qu’il y ait un groupe essentiel qui n’assiste pas souvent aux rencontres importantes sur le climat comme la récente Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP26) à Glasgow : les petites entreprises locales axées sur la lutte contre les changements climatiques qui changent déjà les choses dans leurs communautés. Les petites et moyennes entreprises (les PME) visant l’adaptation aux changements climatiques et l’atténuation de leurs effets sont des alliés indispensables, mais des partenaires mésestimés dans la lutte à la réduction des émissions.

Même si les options de financement des initiatives climatiques se font plus nombreuses, le rôle des PME dans le développement durable passe encore inaperçu. Leur situation difficile est commune à plus de 200 millions de PME de toutes catégories dans les pays en développement qui ne peuvent obtenir les fonds dont ils ont besoin pour se développer, confrontés à un déficit estimé de financement de 5 200 milliards de dollars par an. Les investisseurs internationaux se consacrent à injecter le plus de dollars possible dans des opérations financières de plus grande envergure, tandis que le capital local est laissé en touche en raison d’exigences élevées en nantissement et des taux d’intérêt impossibles à gérer pour les entreprises qui en sont à leurs débuts.

Selon la Banque mondiale, les PME représentent 90 % des entreprises et comptent pour plus de 50 % des emplois dans le monde entier. Elles ont donc un rôle essentiel à jouer dans la création de débouchés dans les économies qui peinent à se remettre de la pandémie COVID-19. Des exemples comme SELCO India, une entreprise pionnière de la production d’énergie solaire autonome et Husk Power, un fournisseur d’énergie renouvelable novateur exerçant ses activités en Asie et en Afrique, attestent qu’avec un financement et un soutien technique suffisants et adaptés, les petites entreprises peuvent améliorer les vies en assurant l’accès à l’énergie — un objectif international. La production autonome d’énergie renouvelable contribue également à l’écomobilité en milieux ruraux et urbains.

Les petites entreprises ont également un rôle important à jouer dans la transition écologique de l’agriculture. Les terres utilisées pour les cultures et l’élevage comptent pour 24 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et les exploitations sont vulnérables aux sécheresses, aux inondations et aux hausses de température. Le financement d’entrepreneurs conscients de l’effet de l’agriculture sur les changements climatiques est essentiel pour accroître la capacité d’adaptation de nos réseaux de production alimentaire. Ici, aussi, l’énergie renouvelable autonome est devenue indispensable, produisant du courant pour l’irrigation, la transformation des céréales et les chambres de réfrigération et les refroidisseurs nécessaires pour conserver les produits laitiers, les fruits de mer frais ainsi que les fruits et légumes. En Inde, Technoserve aide les petits exploitants agricoles à surmonter la crise climatique en s’y adaptant et en augmentant leur productivité sans hausse des émissions.

Comme l’illustrent ces exemples, lorsque le secteur des petites entreprises dispose du financement et du soutien dont il a besoin, il est en mesure de jouer son rôle de porteur de croissance économique tout en réduisant les émissions et en venant appuyer les initiatives d’adaptation aux changements climatiques. La raison en est simple — les petites entreprises sont plus agiles et s’adaptent plus facilement, car elles subviennent aux besoins locaux beaucoup plus rapidement et plus efficacement que les grandes sociétés. Elles offrent également aux États et aux responsables politiques l’occasion de tester de nouvelles idées, en relevant les écueils et les pratiques exemplaires avant d’étendre les initiatives à l’échelle régionale ou nationale.

Introductory Offer: Save 30% on PS Digital
PS_Digital_1333x1000_Intro-Offer1

Introductory Offer: Save 30% on PS Digital

Access every new PS commentary, our entire On Point suite of subscriber-exclusive content – including Longer Reads, Insider Interviews, Big Picture/Big Question, and Say More – and the full PS archive.

Subscribe Now

L’atteinte de l’objectif des émissions nettes nulles exige des instances, des investisseurs, des banques et d’autres intervenants qu’ils subviennent aux besoins des PME beaucoup plus efficacement que dans le passé. En premier lieu, il faut dans le monde entier une plus grande variété de véhicules et d’instruments financiers qui correspondent aux besoins des petites entreprises œuvrant dans l’économie verte. Cela peut se traduire par un savant dosage de financement hybride et d’injection de capitaux à long terme à coût modique et à accès facilité.

Il faut aussi davantage de pépinières d’entreprises axées principalement sur l’adaptation aux changements climatiques. On ne retrouve que 25 de ces pépinières d’écoentreprises sises dans des pays qui ne font pas partie de l’OCDE. Les entreprises faisant preuve d’un grand potentiel de croissance seront stimulées par le financement de la recherche et la création de réseaux professionnels.

Des paramètres plus précis seront également nécessaires pour jauger les résultats de telles initiatives. Il ne faut pas entendre par là qu’il faille brader les normes environnementales, sociales et administratives. Il s’agit plutôt de concevoir des indicateurs adaptés aux entreprises écologiques du secteur des PME les aidant à établir leur valeur et à attirer des investisseurs.

Finalement, ces derniers doivent aussi tenir compte de l’apport des femmes, qui sont responsables de près de 80 % de la production alimentaire dans l’hémisphère sud. Elles sont aussi les plus vulnérables aux effets des changements climatiques. Investir dans les projets écologiques des femmes entrepreneures aidera à atténuer les changements climatiques, à produire des denrées alimentaires et à assurer la prospérité générale.

Les petites entreprises font partie intégrante de l’atténuation des effets des changements climatiques, des mesures d’adaptation et de renforcement de la résilience. Il est dans l’intérêt général de leur procurer le financement et l’assistance nécessaire à l’atteinte de leurs objectifs.

Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier

https://prosyn.org/zLNFNX2fr