STANFORD – Il y a 50 ans, le 22 juin 1971, le président de la Fed (la Réserve fédérale américaine), Arthur Burns, écrivait une lettre au président Nixon. On se souviendra encore longtemps de cette lettre comme d'une aberration. L'inflation était à la hausse, et Burns voulait faire croire à son interlocuteur que la politique monétaire de la Fed n'y était pour rien. La cause en était "la structure de l'économie [qui] avait profondément changé ". C'est pourquoi Burns a alors recommandé à Nixon d'adopter "une politique forte en matière de salaires et de prix".
"Je vous ai déjà exposé les grandes lignes d'une politique de ce type : une intervention énergique et ciblée sous le contrôle d'un comité de suivi des salaires et des prix (de préférence par l'intermédiaire de la commission du Cabinet chargée de la politique économique), et en cas d'insuccès (ce qui est maintenant plus probable qu'il y a un an ou deux), de la mise en place - peut-être au plus tard en janvier prochain - d'un gel des salaires et des prix pendant six mois".
Burns était universitaire de renom (il a été le professeur de Milton Friedman) et il avait derrière lui une longue expérience de responsable politique. C'est peut-être pour cela que sa lettre a convaincu Nixon de procéder à un gel des salaires et des prix, suivi de leur contrôle et de directives concernant l'ensemble de l'économie. Pendant un certain temps, les contrôles ont semble-t-il fonctionné et les directives ont été respectées. Cette politique a même connu une certaine popularité durant une courte période. L'inflation a baissé et le gel a été suivi par des contrôles plus stricts, les entreprises étant obligées de demander une autorisation pour modifier les salaires et les prix.
Mais la nature intrusive de cette politique a fini par lasser, car toute augmentation de prix devait être approuvée par la bureaucratie gouvernementale. On s'est vite rendu compte que les contrôles et les interventions de l'Etat aggravaient la situation.
Ignorant son mandat consistant à contenir l'inflation, la Fed a laissé la masse monétaire augmenter de plus en plus vite. Ainsi, le taux de croissance annuel de la masse monétaire M2 (la somme des liquidités, des dépôts et des actifs très liquides) était en moyenne 10 % dans les années 1970, alors qu'il n'était que de 7 % dans les années 1960. Cette situation a aggravé l'impact des chocs pétroliers de la décennie sur les prix, et le taux d'inflation est passé à deux chiffres. Il a dépassé les 12 % à trois reprises (en 1974, en 1979 et 1980), tandis que le taux de chômage faisait un bond de 5,9 % à 9 % entre juin 1971 et 1975.
Les résultats de l'économie américaine ont été très mauvais dans les années 1970, en partie à cause de la politique monétaire mise en œuvre. C'est à cette époque que l'on a inventé le mot "stagflation" pour décrire un étrange mélange d'inflation croissante et de stagnation économique. Comme l'a récemment dit James A. Dorn de l'institut Cato, sous la présidence de Nixon, "le contrôle de prix a fini par fausser les prix du marché", et on s'en souvient aujourd'hui à juste titre comme un avertissement. "N'oublions pas que la perte de la liberté économique, c'est cher payer pour la promesse creuse de mettre fin à l'inflation en éradiquant les forces du marché" (c'est moi qui souligne).
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Choisir la liberté économique, c'est le titre d'un livre que j'ai publié l'année dernière avec George P. Shultz qui est décédé en février à l'âge de 100 ans. Il avait une expérience de plusieurs décennies en tant que diplomate et en tant que responsable de la politique économique. Il était directeur du budget de l'administration Nixon lorsque Burns a rédigé sa fameuse lettre. En annexe de notre livre, nous avons inclus son texte intégral, car cette lettre n'a été découverte que récemment dans les archives de l'Institution Hoover. Sa lecture devrait être obligatoire pour quiconque veut comprendre l'Histoire récente de l'élaboration de la politique économique américaine.
Malgré l'extraordinaire réputation de Burns, sa lettre contenait de très mauvaises recommandations. Elle est la parfaite illustration de ce que les mauvaises idées conduisent à une mauvaise politique, qui à tour conduit à de mauvais résultats économiques. En rejetant la responsabilité de l'inflation sur de supposés défauts structurels qui affecteraient l'ensemble de l'économie, Burns éludait la responsabilité de la Fed, alors qu'elle était clairement responsable de la hausse des prix.
De la même manière, les bonnes idées conduisent à une bonne politique et à de bons résultats économiques. Ainsi que nous l'avons montré Shultz et moi, c'était le cas dans les années 1980. La Fed avait alors décidé de jouer un rôle plus important dans l'économie, ce qui a entraîné un boom économique.
La leçon de cet épisode historique (et de bien d'autres aux USA et ailleurs) devrait être claire. Et même si l'Histoire ne se répète pas, on y trouve souvent des ressemblances. Ainsi aujourd'hui l'inflation augmente, tandis qu'une fois de plus la Fed déclare qu'elle n'y est pour rien. Pour ses responsables, la hausse des prix traduit simplement le retour à la normale après une période d'inflation très faible l'année dernière.
Pire encore, la Fed est encore plus interventionniste maintenant qu'à l'époque de Burns. Son bilan a explosé en raison de ses achats massifs de bons du Trésor et de titres adossés à des prêts immobiliers, entraînant une hausse marquée du taux de croissance de la masse monétaire M2 au cours de l'année dernière. Le taux d'intérêt des fonds fédéraux est bien inférieur à que ce qui est souhaitable au vu des règles et des stratégies de politique monétaire connues, notamment celles qui figurent à la page 48 du Rapport de politique monétaire publié par la Fed elle-même en février dernier.
C'est le moment de retenir les leçons des erreurs du passé et faire de la politique monétaire l'outil d'une reprise durable après la pandémie. Mais c'est maintenant qu'il faut agir - bientôt il sera trop tard !
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In Donald Trump’s White House and broader orbit, there are three differing views on how to engage with Venezuela: one is focused on restoring democracy, another has embraced pragmatism, and a third supports military intervention. The view that prevails will likely reflect all three.
thinks the Maduro regime’s fate – and the country’s future – will be largely shaped by US policymakers.
While "globalization" typically conjures images of long-distance trade and migration, the concept also encompasses health, the climate, and other forms of international interdependence. The perverse irony is that an anti-globalist America may end up limiting the beneficial forms while amplifying the harmful ones.
worries that we will end up with only harmful long-distance dependencies, rather than beneficial ones.
Though Donald Trump attracted more support than ever from working-class voters in the 2024 US presidential election, he has long embraced an agenda that benefits the wealthiest Americans above all. During his second term, however, Trump seems committed not just to serving America’s ultra-rich, but to letting them wield state power themselves.
STANFORD – Il y a 50 ans, le 22 juin 1971, le président de la Fed (la Réserve fédérale américaine), Arthur Burns, écrivait une lettre au président Nixon. On se souviendra encore longtemps de cette lettre comme d'une aberration. L'inflation était à la hausse, et Burns voulait faire croire à son interlocuteur que la politique monétaire de la Fed n'y était pour rien. La cause en était "la structure de l'économie [qui] avait profondément changé ". C'est pourquoi Burns a alors recommandé à Nixon d'adopter "une politique forte en matière de salaires et de prix".
"Je vous ai déjà exposé les grandes lignes d'une politique de ce type : une intervention énergique et ciblée sous le contrôle d'un comité de suivi des salaires et des prix (de préférence par l'intermédiaire de la commission du Cabinet chargée de la politique économique), et en cas d'insuccès (ce qui est maintenant plus probable qu'il y a un an ou deux), de la mise en place - peut-être au plus tard en janvier prochain - d'un gel des salaires et des prix pendant six mois".
Burns était universitaire de renom (il a été le professeur de Milton Friedman) et il avait derrière lui une longue expérience de responsable politique. C'est peut-être pour cela que sa lettre a convaincu Nixon de procéder à un gel des salaires et des prix, suivi de leur contrôle et de directives concernant l'ensemble de l'économie. Pendant un certain temps, les contrôles ont semble-t-il fonctionné et les directives ont été respectées. Cette politique a même connu une certaine popularité durant une courte période. L'inflation a baissé et le gel a été suivi par des contrôles plus stricts, les entreprises étant obligées de demander une autorisation pour modifier les salaires et les prix.
Mais la nature intrusive de cette politique a fini par lasser, car toute augmentation de prix devait être approuvée par la bureaucratie gouvernementale. On s'est vite rendu compte que les contrôles et les interventions de l'Etat aggravaient la situation.
Ignorant son mandat consistant à contenir l'inflation, la Fed a laissé la masse monétaire augmenter de plus en plus vite. Ainsi, le taux de croissance annuel de la masse monétaire M2 (la somme des liquidités, des dépôts et des actifs très liquides) était en moyenne 10 % dans les années 1970, alors qu'il n'était que de 7 % dans les années 1960. Cette situation a aggravé l'impact des chocs pétroliers de la décennie sur les prix, et le taux d'inflation est passé à deux chiffres. Il a dépassé les 12 % à trois reprises (en 1974, en 1979 et 1980), tandis que le taux de chômage faisait un bond de 5,9 % à 9 % entre juin 1971 et 1975.
Les résultats de l'économie américaine ont été très mauvais dans les années 1970, en partie à cause de la politique monétaire mise en œuvre. C'est à cette époque que l'on a inventé le mot "stagflation" pour décrire un étrange mélange d'inflation croissante et de stagnation économique. Comme l'a récemment dit James A. Dorn de l'institut Cato, sous la présidence de Nixon, "le contrôle de prix a fini par fausser les prix du marché", et on s'en souvient aujourd'hui à juste titre comme un avertissement. "N'oublions pas que la perte de la liberté économique, c'est cher payer pour la promesse creuse de mettre fin à l'inflation en éradiquant les forces du marché" (c'est moi qui souligne).
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Malgré l'extraordinaire réputation de Burns, sa lettre contenait de très mauvaises recommandations. Elle est la parfaite illustration de ce que les mauvaises idées conduisent à une mauvaise politique, qui à tour conduit à de mauvais résultats économiques. En rejetant la responsabilité de l'inflation sur de supposés défauts structurels qui affecteraient l'ensemble de l'économie, Burns éludait la responsabilité de la Fed, alors qu'elle était clairement responsable de la hausse des prix.
De la même manière, les bonnes idées conduisent à une bonne politique et à de bons résultats économiques. Ainsi que nous l'avons montré Shultz et moi, c'était le cas dans les années 1980. La Fed avait alors décidé de jouer un rôle plus important dans l'économie, ce qui a entraîné un boom économique.
La leçon de cet épisode historique (et de bien d'autres aux USA et ailleurs) devrait être claire. Et même si l'Histoire ne se répète pas, on y trouve souvent des ressemblances. Ainsi aujourd'hui l'inflation augmente, tandis qu'une fois de plus la Fed déclare qu'elle n'y est pour rien. Pour ses responsables, la hausse des prix traduit simplement le retour à la normale après une période d'inflation très faible l'année dernière.
Pire encore, la Fed est encore plus interventionniste maintenant qu'à l'époque de Burns. Son bilan a explosé en raison de ses achats massifs de bons du Trésor et de titres adossés à des prêts immobiliers, entraînant une hausse marquée du taux de croissance de la masse monétaire M2 au cours de l'année dernière. Le taux d'intérêt des fonds fédéraux est bien inférieur à que ce qui est souhaitable au vu des règles et des stratégies de politique monétaire connues, notamment celles qui figurent à la page 48 du Rapport de politique monétaire publié par la Fed elle-même en février dernier.
C'est le moment de retenir les leçons des erreurs du passé et faire de la politique monétaire l'outil d'une reprise durable après la pandémie. Mais c'est maintenant qu'il faut agir - bientôt il sera trop tard !
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz