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La résilience démocratique turque

CAMBRIDGE – Les élections législatives et présidentielles turques du 14 mai 2023 sont considérées par beaucoup comme les plus importantes de l’année. Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, et le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir, se situent, dans les intentions de vote, derrière le principal opposant, Kemal Kılıçdaroğlu, le chef du Parti républicain du peuple (CHP), soutenu par une large coalition. Si Erdoğan est battu, ces élections auront une portée mondiale, démontrant que le phénomène d’érosion des démocraties auquel nous assistons ces dernières années peut s’inverser – et qu’on peut désigner la porte même à des hommes forts fermement accrochés à leur poste.

Si des dirigeants taillés dans la même étoffe, dont les anciens présidents états-unien et brésilien, Donald Trump et Jair Bolsonaro, ont perdu eux aussi, ces dernières années, les élections, la tâche de l’opposition turque est plus ardue. Le glissement du pays vers l’autoritarisme pur et dur est presque complet. Erdoğan est au pouvoir depuis plus de vingt ans – bien plus longtemps que ne l’ont été Trump ou Bolsonaro – et a mis ce temps à profit pour façonner l’État à sa main.

Officiellement ou officieusement, Erdoğan contrôle les institutions politiques turques, et a encore plus centralisé un État déjà centralisé. Il n’existe pour ainsi dire aucun contrepouvoir à l’influence de sa présidence : le Parlement est une chambre d’enregistrement et la justice est à ses ordres. L’armée est neutralisée, la police est loyale. Son alliance avec le Parti d’action nationaliste (MHP), d’extrême droite, se solde par la mise à son service d’une quasi-milice civile (l’opposition soupçonne d’ailleurs ces groupes d’être impliqués dans le caillassage du maire d’Istanbul, Ekrem İmamoğlu, et de ses partisans, dimanche dernier, lors d’un meeting de campagne à Erzurum. Le réseau étendu à tout le pays d’affidés et d’obligés, qui lui doivent leur place dans la vie politique ou économique et qui se nourrissent de la corruption du régime, a beaucoup à perdre en cas de victoire de Kılıçdaroğlu.

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