kimooon31_RezaGetty Images_oil Reza/Getty Images

Les pétro-États doivent prendre en mains le financement climatique

LONDRES – Pour que la conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP28), qui s’ouvre à Dubaï, puisse être considérée comme un succès, il est urgent de réaliser des progrès en matière de finance climatique. Sultan Al-Jaber, ministre de l’industrie et des technologies des Émirats arabes unis, président, cette année, de la COP, et Luiz Inácio Lula da Silva, président du Brésil, dont le pays assurera, à partir du mois de décembre, la présidence tournante du G20, doivent travailler en tandem pour instituer une facilité de crédit capable de fournir au Sud global au moins 1 000 milliards de dollars chaque année, afin d’investir dans le développement et dans l’adaptation aux changements climatiques tout comme dans leur atténuation.

A-Jaber reconnaît d’ores et déjà la nécessité de redresser la finance climatique, ce dont il a fait l’un des quatre piliers de la COP28. Il a en outre exprimé son soutien, au mois d’août, à la réforme des institutions financières internationales, dans la mesure où « toutes les formes de financement doivent être plus disponibles, plus accessibles, et plus abordables », et appelé les pays donateurs, en retard sur leurs engagements, à « [lui] montrer l’argent ».

En tant que président de la Compagnie nationale pétrolière d’Abu Dhabi, Al-Jaber voit s’ouvrir une opportunité unique, celle de pousser les Émirats, les autres États du Golfe et la Norvège, tous bénéficiaires des cours élevés de l’énergie, à prendre l’initiative dans la réduction du différentiel de financement de l’action climatique auquel sont confrontés les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI). Non seulement ces pays plus pauvres transfèrent des milliards de dollars vers les États producteurs de pétrole – ce qui a contribué à l’augmentation récente de l’extrême pauvreté –, mais ils souffrent significativement de la pollution de l’air causée par la combustion des carburants fossiles.

Le président de la COP28 doit en l’occurrence présenter une proposition de réutilisation des recettes pétrolières et gazières record de ces pétro-États dans une facilité destinée à l’accélération de la transition écologique du Sud global. Étant donné l’incapacité dont ont fait preuve les pays riches à tenir leur engagement pourtant ancien à consacrer 100 milliards de dollars par an aux pays en développement pour l’adaptation aux changements climatiques et leur atténuation, il est temps, désormais, de passer à l’action.

Selon Fatih Birol, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie, les recettes du pétrole se sont envolées, passant d’une moyenne de 1 500 milliards de dollars ces dernières années à 4 000 milliards de dollars en 2022. Cela représente vingt fois le total de l’aide publique au développement en 2022, plus de trente fois le budget combiné de toutes les banques multilatérales de développement (BMD) et quarante fois les 100 milliards de dollars annuels (qui ne sont toujours pas fournis) promis par les pays riches dès 2009.

Certaines compagnies pétrolières ont déjà acquitté des contributions fiscales supplémentaires sur leurs profits exceptionnels. Pourtant, comme ce sont des entreprises publiques qui contrôlent la plus grande part de la production pétrolière mondiale, les pétro-États ont été, et de loin, les premiers bénéficiaires de cette manne. L’année dernière, les exportations pétrolières ont rapporté 888 milliards de dollars aux pays de l’OPEP, contre 576 milliards en 2021.

Subscribe to PS Digital
PS_Digital_1333x1000_Intro-Offer1

Subscribe to PS Digital

Access every new PS commentary, our entire On Point suite of subscriber-exclusive content – including Longer Reads, Insider Interviews, Big Picture/Big Question, and Say More – and the full PS archive.

Subscribe Now

Leurs exportations énergétiques, qui avaient rapporté aux EAU 76 milliards de dollars en 2021, se sont montées en 2022 à 119 milliards de dollars. Le Qatar est passé de 87 milliards de dollars à 132 milliards ; quant au Koweit, il a vu ses recettes bondir de 63 milliards de dollars à 98 milliards. Les deux plus grands gagnants sont peut-être la Norvège, dont les recettes ont doublé, passant de quelque 87 milliards de dollars à 174 milliards de dollars, et l’Arabie saoudite, où elles ont atteint la somme énorme de 311 milliards de dollars, contre 191 milliards de dollars l’année précédente. Une contribution volontaire de 25 milliards de dollars, qui ne représenterait que 1 % des recettes pétrolières et gazières exceptionnelles enregistrées l’an dernier et 3 % des gains à l’exportation des principaux pétro-États, pourrait donner le coup d’envoi d’un programme d’investissement dans le Sud global.

Le principe d’un partage équitable du fardeau est simple : les pays et les secteurs qui, historiquement, ont contribué le plus aux émissions de gaz à effet de serre et peuvent s’enorgueillir des revenus par habitant les plus élevés devraient supporter une part plus grande des coûts de l’action climatique dans le monde. Si la contribution proposée constitue un élément important du modèle, elle doit être complétée par des garanties en milliards de dollars portées par les émetteurs actuels et historiques qui ont aussi le devoir de payer leur juste part.

Les BMD pourraient encore démultiplier par quatre ces garanties et créer ainsi de nouvelles ressources qui aideraient les PRFI à relever à la fois les défis du développement et ceux du réchauffement de la planète. Maints rapports, délivrés par des organismes internationaux, soutiennent ce type d’approche, notamment trois rapports récents du G20, parmi lesquels ceux de l’économiste N.K. Singh et de l’ancien secrétaire au trésor des États-Unis, Lawrence H. Summers, qui plaident en faveur d’une utilisation stratégique des garanties.

Si l’on veut mobiliser les 1 000 milliards de dollars d’investissement annuel nécessaires à l’aide des pays du Sud global pour que ceux-ci puissent passer à l’énergie propre, il sera indispensable de mettre en œuvre la proposition Singh-Summer, qui appelle à un triplement des dépenses annuelles de la Banque mondiale, lesquelles passeraient ainsi à 390 milliards de dollars. Il sera par ailleurs nécessaire de poursuivre l’ambitieuse initiative de la première ministre de la Barbade, Mia Amor Mottley, qui propose de faire parvenir aux pays en développement 100 milliards de dollars de droits de tirages spéciaux (l’actif de réserve du Fonds monétaire international) non utilisés.

Ces interventions sont cohérentes avec les recommandations du rapport Une percée pour les peuples et la planète rédigé par le Conseil consultatif du secrétaire général des Nations unies sur un multilatéralisme efficace, qui reconnaît l’importance de l’augmentation des financements, que leurs sources soient nationales, mondiales, publiques ou privées.

Afin de soutenir cet effort, Lula devrait proposer la tenue d’une session conjointe en ligne du G20 et de l’OPEP où pétro-États et émetteurs historiques pourraient s’accorder sur de nouveaux financements et engager des contributions fondées sur les capacités de paiement. Une telle initiative serait de bon augure pour les négociations à la COP28 et enclencherait une dynamique de progrès sur les objectifs climatiques mondiaux.

This commentary is co-signed by:

Ban Ki-Moon – Secretary-General of the United Nations (2007-16)*

Vaira Vike-Freiberga – Co-Chair NGIC, President of Latvia (1999-2007)**

Laura Chinchilla Miranda – President of Costa Rica (2010-14) and Vice President of Club de Madrid*

Alfred Gusenbauer – Chancellor of Austria (2007-08)*

Ameenah Gurib-Fakim – President of Mauritius (2015-17)

Aminata Touré – Prime Minister of Senegal (2013-14)*

Amre Moussa – Secretary-General Arab League (2001-11)**

Ana Birchall – Deputy Prime Minister of Romania (2018-19)**

Bai Chong-En – Chair in Economics and Dean of the School of Economics and Management at Tsinghua University

Beatrice Weder di Mauro – Professor of International Economics at IHEID

Bengt Holmstrom – Emeritus Professor of Economics at MIT

Bojidar Djelic – Deputy Prime Minister of Serbia (2007-11)

Boris Tadic – President of Serbia (2004-12)**

Borut Pahor – President of Slovenia (2012-22)**

Caasam Uteem – President of Mauritius (1992-2002)*

Kim Campbell – Prime Minister of Canada (1992)

Carlos Alvarado Quesada – President of Costa Rica (2018-22)*

Chandrika Kumaratunga – President of Sri Lanka (1994-2005)*

Chiril Gaburici – Prime Minister of Moldova (2014-15)**

Chris Pissarides – Professor of Economics and Political Science at LSE

Colin Mayer – Professor of Management Studies at the Saïd Business School at the University of Oxford

Cristina Manzano – External Relations Director of SEGIB, Representative of Constituent Foundation FRIDE

Csaba Korossi – President of the 77th UN General Assembly**

Dalia Grybauskaitė – President of Lithuania (2009-19)*

Devi Sridhar – Professor of Global Public Health at the University of Edinburgh

Djoomart Otorbaev – Prime Minister of Kyrgyzstan (2014-15)**

Egils Levits – President of Latvia (2019-23)**

Elbegdorj Tsakhia – President of Mongolia (2009-17)*

Emil Constantinescu – President of Romania (1996-2000)**

Erik Berglof – Professor of Economics at LSE, Chief Economist of the Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB)

Ernesto Zedillo – President of Mexico (1994-2000)*

Felipe Calderon – President of Mexico (2006-12)*

Filip Vujanovic – President of Montenegro (2003-18)**

Francisco Sagasti – President of Peru (2020-21)*

George Papandreou – Prime Minister of Greece (2009-11)*

Gordon Brown – Prime Minister of the United Kingdom (2007-10)***

Helen Clark – Prime Minister of New Zealand (1999-08)*

Helene Rey – Lord Bagri Professor of Economics at the London Business School

Hikmet Cetin – Minister of Foreign Affairs of Turkey (1991-94), Speaker of Parliament (1997-99), Deputy Prime Minister 1995

Igor Luksic – Prime Minister of Montenegro (2010-12)**

Ismail Serageldin – Co-Chair of NGIC, Vice President of the World Bank (1992-2000)**

Iveta Radičová – Prime Minister of Slovakia (2010-12)*

Ivo Josipovic – President of Croatia (2010-15)***

James Michel – President of the Seychelles (2004-16)*

Jan Fisher – Prime Minister of the Czech Republic (2009-10)**

Jan Peter Balkenende – Prime Minister of the Netherlands (2002-10)*

Jigmi Yoser Thinley – Prime Minister of Bhutan (2008-13)*

José Luis Rodríguez Zapatero – President of the Government of Spain (2004-11)*

José Manuel Romero – Vice President of FRIDE*

Joseph Muscat – Prime Minister of Malta (2013-20)**

Joyce Banda – President of Malawi (2012-14)*

Juan Somavía – Ninth Director of the International Labour Organization (1999-2012)*

Justin Lin – Professor of Economics Peking University

Kaushik Basu – Professor of Economics at Cornell University

Kerry Kennedy – President of Robert F. Kennedy Human Rights**

Laimdota Straujuma – Prime Minister of Latvia (2014-16)**

Leif Pagrotsky – Minister for Trade and Industry of Sweden (1996-2006)*

Maria Fernanda Espinosa – President of the UN 73rd General Assembly**

Marie Louise Coleiro Preca – President of Malta (2014-19)***

Mats Karlsson – World Bank Vice President of External Affairs and United Nations Affairs***

Michelle Bachelet – President of Chile (2006-10; 2014-18)*

Milica Pejanovic – Minister of Defense of Montenegro (2012-16)

Mirko Cvetkovic – Prime Minister of Serbia (2008-12)**

Mladen Ivanic – President of Bosnia and Herzegovina (2014-18)**

Moussa Mara – Prime Minister of Mali 2014-2015**

Nora Lustig – Professor of Latin American Economics at Tulane University

Oscar Arias – President of Costa Rica (1986-90; 2006-10)*

Ouided Bouchamaoui – Nobel Peace Prize Laureate (2015)**

Petar Stoyanov – President of Bulgaria (1997-2002)**

Peter Medgyessy – Prime Minister of Hungary 2002-04)**

Petre Roman – Prime Minister of Romania (1989-1991)*

Rexhep Meidani – President of Albania 1997-2002***

Rosen Plevneliev – President of Bulgaria 2012-2017**

Shaukat Aziz – Prime Minister of Pakistan 2004-2007**

Stefan Löfven – Prime Minister of Sweden (2014-21)*

Stjepan Mesic – President of Croatia (2000-10)**

T. Anthony Jones – Vice President and Executive Director of GFNA*

Tarja Halonen – President of Finland (2000-12)**

Valdis Zatlers – President of Latvia (2007-11)**

Volkan Bozkir – President of the 75th UN General Assembly**

Vuke Jeremic – President of the 67th UN General Assembly**

Walter Fust – Director-General of the Swiss Agency for Development and Cooperation (1993-08)**

Wendy Carlin – Professor of Economics at UCL

Yves Leterme – Prime Minister of Belgium (2008; 2009-11)*

Zlatko Lagumdzija – Prime Minister of Bosnia and Herzegovina (2001-02), Deputy Prime Minister (1993-96, 2012-15)

*member of Club de Madrid

**member of Nizami Ganjavi International Center

https://prosyn.org/bJzrnWUfr