chirot2_michael norciaSygma via Getty Images_iranrevolutionprotest Michael Norcia/Sygma via Getty Images

Réformes ou révolution ?

SEATTLE – Les révolutions contemporaines les plus connues ont invariablement été précédées d’une polarisation croissante de la vie politique et de l’incapacité des dirigeants à résoudre les problèmes économiques et sociaux urgents. Une défiance et une hostilité croissantes des citoyens alimentent les troubles, conduisant en finale à la violence. L’extrémisme gagne du terrain parce que les modérés se voient contraints de s’allier avec des éléments plus à gauche ou plus à droite de l’échiquier politique. Et ceux qui tentent de trouver des compromis avec les forces modérées de l’opposition finissent par être conspués et mis à l’écart. C’est ce qui se passe dans une grande partie du monde aujourd’hui, y compris aux États-Unis. Ceux-ci ne s’apprêtent pas à connaître une nouvelle révolution, mais pourraient s’en approcher à mesure que le centre politique s’effondre.

Les exemples historiques les plus évidents démontrent comment ces processus se mettent en place. La Révolution française de 1789 a dans un premier temps été guidée par les idéaux progressistes du siècle des Lumières. Tandis que le roi et l’aristocratie refusent de renoncer à leurs privilèges, plusieurs guerres opposent une coalition de puissances européennes et le régime révolutionnaire français. Des dirigeants modérés comme La Fayette, héros de la guerre d’indépendance des États-Unis, qui souhaitent l’établissement d’une monarchie constitutionnelle en France, sont de plus en plus accusés d’être des instruments de la monarchie par les révolutionnaires et des traîtres par les royalistes. Cette situation fait le jeu des Jacobins qui instaurent la Terreur, accompagnée d’une guerre civile qui fit des centaines de milliers de morts.

Dans les premiers temps de la Révolution russe de 1917, un gouvernement provisoire, dirigé par Alexander Kerensky et constitué de socialistes-révolutionnaires libéraux et modérés, prend le pouvoir. La grande erreur de ce gouvernement est alors de ne pas désengager la Russie de la Première guerre mondiale et, confronté à une tentative de coup d’État de généraux de droite cherchant à rétablir le régime impérial, de distribuer dans la panique des armes aux bolcheviks, dirigés par Lénine, qui profitèrent de la situation. Dans ce contexte extrêmement polarisé, les socialistes modérés restèrent alliés aux bolcheviks jusqu’à ce qu’ils découvrent, trop tard, qu’eux aussi étaient voués à l’extermination. 

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