sunderland1_Kevin FrayerGetty Images_coronavirusgirlchina Kevin Frayer/Getty Images

La peur de la pandémie

SEATTLE – Régulièrement, à quelques années seulement d’intervalle, l’humanité est saisie de crise d’hystérie à l’idée d’une pandémie globale. En ce seul début de siècle, les virus du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), H1N1, Ebola, du MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient), Zika et aujourd’hui le nouveau coronavirus ont tous engendré des réactions qui, rétrospectivement, semblent sans proportion avec l’impact réel des maladies dont ils sont responsables. Voici plus de quinze ans, l’épidémie du SRAS (déclenchée par un autre coronavirus, probablement transmis aux humains par des chauves-souris), en Chine, ayant abouti en mars 2003 à une alerte mondiale, avait contaminé 8 000 personnes et provoqué quelque 800 décès. Elle était quoi qu’il en soit traduite par des pertes dans l’activité économique estimées à 40 milliards de dollars, dues à la fermeture des frontières, à l’interruption des déplacements, aux bouleversements des échanges et au coût des urgences sanitaires.

Ces réactions sont compréhensibles. La perspective d’une maladie infectieuse capable de tuer nos enfants active les instincts de survie les plus anciens. Et la médecine moderne, les systèmes de soins de santé modernes ont créé l’illusion d’une maîtrise biologique complète sur de notre avenir collectif, alors même que l’interconnexion du monde moderne accélère en réalité la vitesse à laquelle les nouveaux agents pathogènes surgissent et se répandent. Nous avons par ailleurs de bonnes raisons de craindre de nouvelles maladies infectieuses : la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI) estime qu’un agent pathogène transmissible par voie aérienne, hautement contagieux et mortel du type de celui de la grippe espagnole de 1918 pourrait tuer dans le monde presque 33 millions de personnes en six mois seulement.

Les réponses alarmistes et draconiennes à chaque flambée épidémique sont néanmoins contre-productives. Nous sommes une espèce biologique vivant parmi d’autres organismes qui nous mettent parfois en danger et qui ont sur nous les avantages évolutionnistes du nombre et d’un rythme de mutations rapide. Contre cette menace, notre arme la plus puissante demeure notre intelligence. Grâce à la science et à la technologie modernes, grâce aussi à notre capacité de réponse collective, nous disposons déjà des outils pour prévenir, contrôler et endiguer les pandémies mondiales. Plutôt que gesticuler vainement chaque fois qu’un nouvel agent pathogène nous prend par surprise, nous devrions simplement déployer les ressources, l’organisation et l’ingéniosité équivalentes à celles que nous consacrons à la construction et à la maîtrise de nos moyens militaires.

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