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La COP27, c'est d'abord l'Afrique et l'action

LONDRES – Après la conférence des Nations unies sur les changements climatiques de Glasgow (COP26), qui s’était tenue en décembre, l’année dernière, l’Égypte a repris le témoin du Royaume-Uni, et l’on espère désormais que la COP27, déjà saluée comme « la première COP pour l’Afrique » sera aussi une « COP de l’action ». Je crois que ces deux idées – agir pragmatiquement pour le climat et placer l’Afrique au cœur du débat mondial – sont intimement liées.

En 2050, la population africaine, dont les besoins énergétiques et de développement augmentent déjà à un rythme sans équivalent, constituera un quart de la population mondiale. Il est de plus en plus évident qu’on ne pourra pas agir efficacement sur les changements climatiques si l’on ne considère pas comme d’authentiques partenaires l’Afrique et les pays en développement.

Comme j’ai pu m’en rendre compte, les dirigeants de ces pays sont aussi fermement engagés dans la lutte contre les changements climatiques que les dirigeants des pays développés, mais ils sont par ailleurs confrontés à des tâches domestiques urgentes, en l’occurrence l’industrialisation de leur économie, la transformation de leur secteur agricole afin de nourrir rapidement des populations qui augmentent et la création d’emplois pour leurs jeunes générations.

Ils souhaitent poursuivre ces objectifs en cohérence avec les autres pays du monde, qui se rassemblent pour juguler les changements climatiques. Mais on ne peut attendre d’eux qu’ils agissent aux dépens de leur propre développement économique. Sans compter qu’il dépendra non seulement de leurs propres décisions mais du soutien des pays développés – dans les domaines financier et technologique comme dans l’ouverture aux marchés mondiaux – qu’ils puissent décarboner rapidement ou se passer du recours aux énergies fossiles pour leur développement.

Ce qu’il faut – et ce qui, je crois, pourrait devenir le legs durable de la COP27 –, c’est un nouveau consensus entre pays développés et en développement. La reconnaissance par les pays riches – dont l’industrialisation et la croissance économique sont largement responsables de la crise climatique – des objectifs de développement non négociables des pays pauvres est essentielle à cette perception de la situation. Les aspirations des populations des pays en développement sont légitimes, et elles méritent que nous les aidions à se réaliser.

Le premier pilier de ce nouveau consensus exige des pays riches qu’ils travaillent avec les pays en développement pour mettre au point des stratégies de transition énergétique sur mesure qui soient techniquement réalisables, financièrement viables et politiquement acceptables. Ces solutions énergétiques adaptées permettront aux pays à faible revenu et à revenu moyen de poursuivre leurs objectifs de développement sans renoncer à leurs ambitions.

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Mon institut travaille déjà avec plusieurs pays, dont l’Indonésie, le Mozambique et le Nigeria, à la mise en place de ces stratégies, et j’espère que leur adoption deviendra dans les années à venir la norme. Une approche moins coopérative, qui pourrait se traduire par des tentatives d’imposer aux pays en développement des plans de transition, soit explicitement soit en restreignant leurs possibilités d’investissements (par exemple dans le secteur gazier), serait probablement inefficace, voire contreproductive.

Il faut en deuxième lieu que les pays développés et les pays en développement, ensemble, entreprennent les réformes nécessaires pour que les investissements se tournent vers des projets énergétiques rationnels et durables. Les pays développés devraient honorer leurs engagements financiers, d’autant plus qu’ils en avaient pris l’initiative et en ont eux-mêmes fixé les termes. Malheureusement, il n’en a pas toujours été ainsi, et la défiance a gagné les pays pauvres qui se sont trouvés dans l’incapacité, faute d’un soutien financier fiable, d’anticiper leurs futurs besoins énergétiques.

Les pays en développement doivent quant à eux renforcer leurs systèmes de gouvernance, afin de garantir l’emploi approprié des fonds, dans le but de créer une filière de projets financièrement fiables. Mon institut travaille avec 18 gouvernements dans toute l’Afrique et nous avons appris à ne pas sous-estimer l’importance d’une action publique solide et efficace lorsqu’il s’agit de sécuriser, dans tous les secteurs de l’économie, des investissements importants. Des progrès devront être aussi réalisés, dans les années à venir, dans la définition de nouvelles cibles pour la finance climatique, qui doit s’aligner sur les besoins (en s’attachant beaucoup plus aux pays en développement qu’aux pays à revenu moyen, comme c’est actuellement le cas).

Troisièmement, comme pour tous les problèmes que soulève aujourd’hui la mise en œuvre de mesures complexes, les dirigeants, partout dans le monde, doivent songer aux nouvelles technologies. Dans tous les principaux secteurs économiques, ces technologies ont la capacité d’accélérer la réduction des émissions et d’offrir aux pays en développement une voie vers une croissance économique durable. L’hydrogène, les technologies d’optimisation numérique, les biocarburants, la capture du carbone, toutes portent de grandes promesses. Il faut les développer à grande échelle, et vite.

Nous avons aussi beaucoup à faire pour créer les marchés qui pourront généraliser l’usage de ces technologies. Ainsi l’Afrique peut-elle se vanter d’un potentiel de 60 % des meilleures ressources solaires de la planète, mais n’a qu’une capacité installée de 1% en photovoltaïque. Des stratégies globales de transition énergétique doivent contribuer à réduire cette divergence choquante.

On ne pourra parvenir à construire un nouveau consensus en un seul sommet de la COP. Mais des progrès indispensables, peut-être décisifs, doivent être réalisés ce mois-ci en Égypte, avant que le témoin ne soit passé aux Émirats arabes unis, où les dirigeants de la planète se réuniront dans un an pour la COP28.

Traduit de l’anglais par François Boisivon

https://prosyn.org/Zmm118Ufr