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L’avenir de l’OTAN face à la question ukrainienne

VARSOVIE – L’agression perpétrée par la Russie en Ukraine soulève la question de la volonté et de la capacité de l’OTAN à œuvrer pour la protection de son flanc est-européen. Pour un pays tel que la Pologne, le noble principe de défense collective formulé par l’OTAN, bien qu’essentiel à la sécurité nationale, demeure, en l’absence de capacités militaires appropriées et de faisabilité sur le terrain, une simple promesse politique.

Au moment de l’adhésion de la Pologne à l’OTAN il y a quinze ans, il fut convenu que l’Article 5 – principe du « un pour tous, tous pour un » préconisant une réponse collective en cas d’attaque militaire sur l’un de ses membres – constituerait la pierre angulaire de la sécurité du pays. Depuis, les Alliés ont trouvé différentes manières de mettre en pratique de façon opérationnelle les obligations émanant de cet Article 5. Le nouveau concept stratégique adopté par l’Alliance lors du sommet de Lisbonne en 2010 a fait de la défense collective l’une de ses trois principales missions, soulignant la nécessité d’élaborer des plans d’urgence, d’organiser des formations et des exercices conjoints, ainsi que de veiller à une « assurance visible » entre les États membres. Pour ce qui est de cette définition stratégique, un tel calendrier répond aux attentes de la Pologne.

Les plans d’urgence négociés par la Pologne en 2008-2010 impliquent un renforcement de la capacité militaire du pays dans le cas d’une agression en provenance de l’Est. La Lituanie, la Lettonie et l’Estonie ont mis en œuvre des mesures similaires.

L’une des autres mesures concrètes destinées à optimiser la capacité de réaction de l’OTAN dans la défense de son flanc Est consiste à organiser des exercices militaires conjoints, tels que l’exercice « Steadfast Jazz, » mené dans les pays baltes et en Pologne en 2013. Ces exercices ont réaffirmé le sérieux de l’OTAN quant à la défense de ses membres situés à l’Est.

Mesure non moins importante, il a été procédé à la mise en place d’institutions de l’OTAN au sein même de la Pologne, notamment d’un Régiment des Transmissions et d’un Centre de formation des forces conjointes, que la Pologne est parvenue à préserver malgré les réformes apportées à la chaîne de commandement de l’OTAN. À défaut de mieux, cette présence institutionnelle renforce le sentiment de sécurité des Polonais – étant entendu que pour beaucoup d’entre nous, plus nous pouvons compter sur l’OTAN et mieux nous nous portons.

Le même principe s’applique au Programme d’investissement au service de la sécurité mis en place par l’OTAN. Ce fonds a par exemple d’ores et déjà investi plus de 650 millions € (835 millions $) dans la modernisation des bases aériennes, navales et logistiques de la Pologne.

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Enfin, conformément à un accord de juin 2011, un détachement de l’armée de l’air américaine opère à Lask, au centre de la Pologne, procédant à la formation conjointe de pilotes d’appareils F-16 et Hercules – des troupes américaines stationnant ainsi pour la première fois de manière permanente en territoires polonais. Il serait judicieux de développer davantage ce modèle consistant à maintenir la présence de forces américaines en Europe centrale, ceci confirmant en effet de manière symbolique l’attachement des États-Unis à la région.

Ces mesures concrètes interviennent alors même que l’agression russe en Ukraine dissipe les doutes quant à l’importance de l’OTAN. Néanmoins, le fait de reconnaître l’existence de dangers potentiels ne revient pas au même que d’élaborer une réponse efficace. L’environnement stratégique actuel n’a rien à voir avec celui de 1997, époque à laquelle les dirigeants de l’OTAN ont appuyé les demandes d’adhésion de la Pologne, de la République tchèque et de la Hongrie, conférant par ailleurs un statut de partenaire privilégié à l’Ukraine et à la Russie. L’agression russe survenue en Ukraine contraint en effet l’OTAN à redéfinir sa relation auprès de la Russie et de l’Ukraine. En tout état de cause, le Sommet de septembre 2014 organisé à Newport au Pays de Galles par l’Alliance devra élaborer une nouvelle vision stratégique quant à cette relation.

Il appartiendra pour cela à l’OTAN de répondre à quatre questions clés. Tout d’abord, quel est le degré d’engagement des États-Unis vis-à-vis de l’Europe ? Bien que le président américain Barack Obama ait réorienté son cap vers l’Asie-Pacifique, réduisant ainsi le nombre de troupes américaines en Europe, il ne faudrait pas que ceci fragilise les capacités ou les délais de réaction de l’Alliance. Les Européens devront toutefois continuer de promouvoir l’importance primordiale de la relation transatlantique de l’OTAN.

Deuxièmement, quel est le degré d’engagement de l’Europe elle-même vis-à-vis de l’OTAN ? La crise financière de 2008 a abouti à de sévères coupes budgétaires, choix politique dangereux, qui devra être inversé dès que possible. Tout ne repose pas néanmoins sur des considérations financières ; l’Europe devra également développer des capacités conjointes et autres spécialisations militaires susceptibles de renforcer l’Alliance dans son ensemble. Si le propre engagement de l’Europe venait à faire défaut, comment pourrait-elle espérer voir perdurer celui des États-Unis ?

Troisièmement, de quelle manière l’OTAN peut-elle redéfinir ses relations avec la Russie ? Au vu des événements de Crimée et d’Ukraine de l’Est, le statut de partenaire privilégié conféré à la Russie auprès de l’OTAN apparaît de toute évidence obsolète. Ceci ne saurait toutefois signifier une dissolution du Conseil OTAN-Russie. L’approche de l’OTAN à l’endroit de la Russie devra néanmoins changer si l’organisation entend contenir cette agression déstabilisatrice à laquelle se livre actuellement la Russie en Europe de l’Est, dans le Caucase du Sud, et en Asie centrale. C’est pourquoi il appartient à l’Alliance d’élaborer une politique d’endiguement nouvelle et avisée s’agissant de la Russie, qui devra reposer sur des outils politiques, diplomatiques, financiers, et militaires.

Enfin, comment pouvons-nous renforcer nos relations avec l’Ukraine de sorte que ses citoyens ne se sentent ni esseulés, ni condamnés au conflit et à l’échec ? Les pays occidentaux devront montrer qu’ils se situent politiquement du côté de l’Ukraine, et encourager la démarche pro-occidentale entamée par le pays. Il s’agirait ensuite pour l’OTAN de renforcer sa coopération militaire avec l’Ukraine, en appliquant les dispositions de la Charte de partenariat spécifique. Ceci impliquerait que l’Alliance s’investisse activement dans la réforme et le réarmement des forces militaires ukrainiennes.

L’OTAN revêt aujourd’hui autant d’importance pour l’ordre mondial qu’elle en a toujours revêtu depuis 1949. Il lui appartient néanmoins, outre l’élaboration de priorités stratégiques, de mettre en place des plans concrets sur le terrain.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

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