galen2_MICHAEL M. SANTIAGOPOOLAFP via Getty Images_trumptrial Michael M. Santiago/POOL/AFP via Getty Images

Pourquoi les républicains se prosternent devant Donald Trump

WASHINGTON – Donald Trump a été reconnu coupable de trente-quatre chefs d’accusation portant sur la falsification de documents commerciaux. Mais cela n’aura probablement que peu de conséquences sur le parti républicain. Trump obtiendra presque certainement l’investiture du GOP comme candidat à l’élection présidentielle de novembre, et les républicains n’ont jamais barguigné chaque fois qu’il s’est agi de lui pardonner ses frasques, si graves fussent-elles.

Certes, la position de Trump est loin d’être aussi solide que le suggèrent les gros titres. De fait, son avance dans les sondages demeure dans la marge d’erreur, et dans les primaires républicaines, qui ne sont pas tout à fait terminées, il continue de perdre entre 10 % et 20 % de bulletins se portant encore sur Nikki Haley, qui a abandonné voici plus de deux mois la course à l’investiture. Et s’il ne recevait l’aide directe ou indirecte de médias d’extrême droite comme Fox News, des candidats indépendants de partis tiers, de groupes de financement occultes et des opérations d’influence russes, Trump auraient des résultats bien plus mauvais qu’ils n’apparaissent aujourd’hui.

Cela n’empêche pourtant pas nombre de républicains de premier plan – y compris parmi ceux qui l’ont vivement critiqué dans le passé – de se presser pour figurer avant novembre aux côtés de l’ancien président. Nous savons que leur motivation n’est pas de « rendre sa grandeur à l’Amérique » (« Make America Great Again » – MAGA), comme le promettait la campagne de Trump en 2016. Que se passe-t-il, alors ?

Commençons par énumérer quelques-unes de ces personnes. Au premier rang d’entre elles est l’ancien ministre de la justice William Barr. S’il a fait tout ce qu’il a pu pour protéger Trump de ses mauvais (et parfois illégaux) instincts quand il était en fonctions, Barr s’est retourné contre son ancien patron après que ce dernier a tenté de renverser les résultats des élections de 2020. Barr a qualifié de « nauséabond » et de « méprisable » le comportement de Trump, pour en conclure qu’il « ne devrait jamais se trouver dans la proximité du bureau Ovale ».

Mais c’est une tout autre chanson que chante aujourd’hui Barr. Dans une récent interview sur Fox News, il a confirmé qu’il avait la ferme intention de voter pour Trump en novembre. Barr a aussi vanté les vertus de ce qu’il nomme l’ « axiome de l’unité de l’exécutif » – à savoir celui de la légalité de tout ce peut faire un président. On peut imaginer que si Trump est réélu, il saura donner à cette théorie pour le moins dangereuse le développement qu’elle mérite.

Comme on pouvait s’y attendre, Barr a tenté d’édulcorer l’hypocrisie de son regain d’affection pour Trump, arguant qu’« entre deux maux », il était de son « devoir » de choisir le moindre, en l’occurrence le candidat qui, pensait-il, ferait « le moins de mal au pays » – et que cela signifiait voter pour le « ticket républicain ». Mais comment s’y tromper ? Il n’est guère motivé par autre chose que par le bénéfice personnel qu’il espère tirer de sa (re)conversion.

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Barr sait pertinemment que, s’il est élu en novembre, Trump tiendra sa promesse de déchaîner son châtiment sur ceux qui lui ont porté tort personnellement et politiquement. Barr ne souhaite pas aller en prison. Au contraire. En tant que ministre de la justice, il a bien servi Trump, étendant les prérogatives de son ministère de sorte qu’il puisse servir de conseil juridique à la personne du président, et de cela il voudrait être récompensé. Une récompense fort incertaine. Alors comme Trump a déjà montré sa mansuétude et son désir de « pardonner » ceux qui publiquement se prosternent devant lui – plus l’acte de contrition est humiliant, mieux ça vaut –, Barr tente le coup.

Il y a aussi James Lankford, sénateur de l’Oklahoma, qui soutient depuis peu la candidature de Trump alors que l’ancien président en a fait sa cible pour le rôle qu’il a joué dans la négociation du projet de loi bi-partisan sur l’immigration. Lankford a beau prétendre qu’il s’est rangé du côté de Trump en raison de ses divergences politiques avec Joe Biden, il semble assez évident que ce qui compte véritablement pour lui est d’éviter l’émergence d’une candidature d’opposition – plus-MAGA-que-toi – lors des primaires sénatoriales de son propre État.

Il est une autre raison pour laquelle Barr, Lankford et tant d’autres, comme le gouverneur du New Hampshire Chris Sununu, battent leur coulpe avec la dernière énergie. Comme l’a justement fait observer le chroniqueur de The Atlantic McKay Coppins, s’en prendre à Trump, c’est pour les républicains quitter « leur écosystème social [et politique]. »

Chacun d’eux – et il en reste beaucoup encore à sortir du bois – est le produit d’un mouvement autoritaire qui n’a aucun scrupule à purger ceux qui ne monteraient pas à leur chef une loyauté totale. Quelque nom qu’on lui donne – Trump, MAGA, America First – ce mouvement n’admet pas qu’une minorité puisse, dans ses rangs, afficher son désaccord. Même Halley affirme désormais qu’elle votera pour Trump.

Le parti républicain est aujourd’hui envahi par des couards, des fous, des escrocs et des fascistes. Beaucoup d’entre eux ont donné de la voix quand ils pensaient que Trump ne reviendrait pas, quand ils espéraient que le coût en serait nul, ou quand leur situation personnelle ou politique s’y prêtait. Pour le dire autrement, se retourner contre Trump relevait du calcul à court terme.

Qu’ils reprennent aujourd’hui le pli, cela ne traduit rien de plus que la régularisation de leur situation au sein de l’écosystème MAGA. Ainsi va, tristement, la classe dirigeante républicaine. Si passé le Labor Day, le 2 septembre, Trump semble marcher vers la victoire, on peut s’attendre à ce que beaucoup plus de républicains « non alignés », et même quelques membres du camp « jamais-Trump » tentent d’entrer dans les faveurs du MAGA.

Certains d’entre nous n’oublieront jamais les reniements de ces « contorsionnistes » comme les nommait Winston Churchill. Ils ont démontré leur irresponsabilité et l’on ne devrait jamais plus leur permettre d’occuper des fonctions publiques. Malheureusement, il est probable qu’ils n’en soient jamais tenus comptables. Dans l’Amérique d’aujourd’hui, si vous soutenez Trump et qu’il gagne, c’est que vous êtes en veine. Si vous soutenez Trump et qu’il perd, le tout Washington ne vous en voudra pas et vous reprendra en son sein à bras ouverts, trop heureux de vous entendre livrer vos anecdotes sur les outrances trumpistes lors d’un dîner dans une brasserie chic.

Et les politiciens ne sont pas les seuls à sacrifier au culte MAGA. Les classes riches républicaines, qui avaient cru voir dans le gouverneur de Floride Ron DeSantis la solution de rechange à Trump, soutiendront l’original au nom des baisses d’impôts, de la déréglementation et pour en finir avec une immigration « hors de contrôle ». Les oligarques de l’Amérique aiment Trump parce qu’à l’instar d’eux-mêmes, il agit de façon purement transactionnelle, et qu’ils pensent (à tort) qu’il les laissera tranquilles.

Il manque pourtant quelque chose dans les calculs de tous ces gens. Il manque l’avenir des États-Unis. Non seulement ce qui devrait compter par-dessus tout dans la vie politique américaine est le cadet de leurs soucis, mais ce n’est même plus un souci. 

Traduit de l’anglais par François Boisivon

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