ackerman6_AndrewHarnikGettyImages_119th_congress Andrew Harnik/Getty Images

Trump a gagné, mais pas le trumpisme

NEW HAVEN – Il est facile d'exagérer la défaite de Donald Trump face à Kamala Harris lors de la récente élection présidentielle américaine. Il a remporté le vote populaire avec moins de deux points de pourcentage – une marge de victoire similaire à celle des vainqueurs des trois dernières élections. La dernière fois qu'un président a remporté une victoire qui s'apparente à un « raz-de-marée », c'était en 2008, lorsque Barack Obama a triomphé de John McCain avec sept points pourcentage et qu’il a conduit les démocrates à une large majorité au Congrès. En conséquence, le 111e Congrès a été le plus productif depuis des décennies.

Mais en 2010, deux ans seulement après cette large victoire, les démocrates ont perdu 63 sièges à la Chambre des représentants et six sièges au Sénat, obligeant Barack Obama à s'appuyer sur une faible majorité au Sénat pour lutter contre John Boehner, le président républicain de la Chambre des représentants. Obama a été réélu en 2012 avec une faible marge, mais les républicains ont conservé la majorité à la Chambre des représentants tout au long de son second mandat.

Ces souvenirs à moitié oubliés alimentent mon scepticisme quant à l'importance durable de la victoire de Trump sur Harris. Contrairement à la victoire décisive d'Obama en 2008, Donald Trump ne pourra pas compter sur le soutien de 59 sénateurs ou de 255 représentants lorsqu'il retournera à la Maison Blanche. En effet, les républicains ne disposeront que d'une très faible majorité à la Chambre des représentants et au Sénat.

Il est certain que les républicains du Congrès applaudiront Trump à tout rompre lorsque leur héros prononcera son discours sur l'état de l'Union en janvier. Toutefois, ceux qui représentent des circonscriptions électorales en pleine mutation pourraient hésiter à soutenir ses efforts pour mettre en œuvre le programme « Make America Great Again » (Rendre à l'Amérique sa grandeur). S'ils votent en faveur de l'abrogation de l'Affordable Care Act (ACA, également connu sous le nom d'« Obamacare ») ou de l'augmentation des droits de douane, par exemple, leurs électeurs devront faire face à une hausse des frais médicaux et des prix des denrées alimentaires. Les démocrates feront alors de ces difficultés économiques le thème central des élections de mi-mandat de 2026, mettant ainsi en péril la majorité des républicains dans l'une ou l'autre des deux chambres.

Ce n'est pas la première fois que les élus du Congrès sont confrontés à une telle situation. Il existe donc une tactique éprouvée pour minimiser le risque de défaite à mi-mandat : le « retard stratégique ». Après avoir applaudi l'état de l'Union de Trump, les républicains des circonscriptions électorales en vue demanderont aux dirigeants de la Chambre des représentants et du Sénat de reporter les votes à haute visibilité sur ses initiatives MAGA jusqu'après les élections de 2026. Ils mèneront d'interminables auditions et négociations en commission pour convaincre Trump qu'il remportera finalement de glorieuses victoires au cours des deux dernières années de son mandat. Pendant ce temps, les dirigeants républicains tenteront de satisfaire ses exigences en adoptant des lois plus modestes susceptibles d'améliorer les chances de réélection de leurs collègues.

Toutefois, après les élections de mi-mandat, les républicains de la Chambre des représentants et du Sénat reconnaîtront que leurs perspectives électorales seront profondément influencées par l'issue de la course à la présidence en 2028 – et que Trump choisira presque certainement son successeur. Cela constituera une puissante incitation à légiférer sur ses propositions MAGA à partir de 2027.

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Les présidents en exercice ont généralement accepté ces tactiques dilatoires parce que leurs grandes initiatives politiques sont axées sur le long terme – tout ce qui compte, c'est de les mettre en œuvre avant de quitter leurs fonctions. Mais la performance présidentielle de Donald Trump devrait prendre une tournure très différente. Plutôt que d'attendre son heure, il dénoncera les républicains stratégiques comme des « traîtres » lorsqu'ils n'appliqueront pas immédiatement son programme. C'est précisément ce genre de bouderie puérile qui a fini par marquer l'approche de Trump en matière de gouvernance. Cela pourrait bien avoir des conséquences désastreuses pour les républicains lors des élections de mi-mandat, quelle que soit la manière dont les politiciens réagissent aux condamnations enflammées de Trump.

L'un des deux scénarios suivants pourrait se dérouler dans les années à venir. Les républicains, suffisamment intimidés par Trump, pourraient faire adopter des projets de loi MAGA par le Congrès avant les élections de 2026 – même si leurs adversaires démocrates utiliseraient ce bilan législatif contre eux pendant la campagne. D'un autre côté, un nombre suffisant de républicains pourraient se braquer, ne laissant pas d'autre choix aux dirigeants du Congrès que de s'engager dans une stratégie de retardement, malgré les attaques personnelles vicieuses de Trump.

Mais, paradoxalement, même ce deuxième scénario compromettra gravement les perspectives de réélection des républicains en 2026. Les attaques personnelles outrées de Trump à l'encontre de certains titulaires ne déconcerteront pas seulement les électeurs d'obédience républicaine. Elles les rendront plus sensibles aux avertissements des démocrates selon lesquels, si les républicains conservent leur majorité au Congrès, ils promulgueront des mesures radicales qui dévasteront la vie d'un nombre incalculable d'Américains.

Bien entendu, je n'ai pas l'intention de minimiser l'importance de la courte victoire de Trump, qui aura sans aucun doute des implications à long terme d'une grande portée. Ce que je veux dire, c'est que le système constitutionnel américain d'équilibre des pouvoirs ne permet pas à une seule victoire présidentielle de bouleverser l'ensemble du système juridique. Les républicains devront gagner les élections de 2026 avant d'avoir une chance sérieuse d'adopter des politiques MAGA. Même en cas d'activité législative intense au cours des dernières années du mandat de Trump, les démocrates seront en position de force pour demander l'abrogation de ces lois lors de la campagne électorale de 2028. Ce n'est que si quelqu'un comme J.D. Vance remporte la prochaine course présidentielle que la droite radicale sera en mesure de propulser le pays dans une nouvelle direction décisive – à la manière du mouvement des droits civiques sous les présidents John F. Kennedy et Lyndon B. Johnson dans les années 1960, ou de la révolution Reagan dans les années 1980.

Rappelons que la critique de Ronald Reagan à l'égard de l'État n'a pris de l'ampleur qu'après sa réélection par 18 points de pourcentage en 1984. Plus remarquable encore est la victoire de près de 23 points de Johnson sur Barry Goldwater en 1964. Cette année-là, les démocrates ont également obtenu une majorité écrasante au Congrès, ce qui a permis à Johnson, qui avait obtenu l'approbation de la loi sur les droits civiques plus tôt dans l'année, de promulguer la loi sur le droit de vote de 1965.

Si le candidat pro-Trump de 2028 remporte une victoire écrasante, les démocrates devront reconnaître qu'ils ont été répudiés et commencer à reconstruire leur programme politique pour regagner des soutiens. Mais au cas où l'élection de 2028 s'avérerait être un autre échec, les démocrates ne devraient pas abandonner leur lutte pour la justice sociale – même s'ils perdent. Au contraire, ils devraient continuer à défier le mouvement MAGA, dont les conséquences désastreuses pour la société américaine deviennent de plus en plus évidentes.

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