La question de Kaliningrad

Depuis une douzaine d'années, les pays baltes connaissent une croissance dynamique et un développement économique qui leur ont apporté liberté et prospérité. L'Estonie, la Pologne, la Lettonie et la Lituanie sont ainsi passées d'une situation de pauvreté due au socialisme à la candidature à l'UE. Des villes russes comme St Petersbourg et Moscou se sont ouvertes et commencent à se développer. Les pays baltes ont peu à peu construit une structure économique favorable au développement d'une société moderne.

Toute la zone de la mer baltique s'est développée, à l'exception de Kaliningrad, la ville qui constitue "une boule noire dans un écrin de perles". Minée par la corruption, la pauvreté et le désespoir, elle connaît le taux de sida le plus élevé de toute l'Europe et un nombre étonnant de toxicomanes. Pourquoi ?

L'Histoire fournit une explication partielle. L'Union soviétique a pris Kaliningrad (l'ancienne Königsberg) à l'Allemagne à la fin de la 2° Guerre mondiale. Elle en a chassé les habitants d'origine et a transformé la ville en un port destiné à la flotte soviétique. Mais l'Histoire n'est pas seule responsable de la pauvreté et de l'absence de perspective qui l'affligent aujourd'hui. L'absence de vision et d'initiative, tant de la Russie que de l'UE, ont aussi un rôle dans le manque de stabilité à long terme dont souffre cette belle région de la mer Baltique. Cela doit changer.

Le véritable problème de Kaliningrad tient à ce que les dirigeants russes n'ont jamais examiné sérieusement le future de cette enclave. La recette du Kremlin a consisté à se débrouiller au jour le jour, ce qui a conduit à un statu quo déprimant. Cette inertie s'est accompagnée pendant un temps de l'existence d'autorités locales douteuses, voire corrompues, ainsi que de la concurrence du nord-ouest de la Russie.

Quiconque connaît un tant soit peu l'histoire de Kaliningrad sait que cette région n'a guère été favorisée - c'est le moins que l'on puisse dire - au cours des 55 dernières années. Kaliningrad a été fermée au monde extérieur de 1946, date à laquelle l'Union soviétique a établi sa souveraineté sur cette enclave, jusqu'en 1989. Depuis, la Russie a annoncé plusieurs projets grandiloquents, mais rien n'a été fait.

La Russie donne l'impression de ne pas se préoccuper de Kaliningrad et d'attendre que d'autres trouvent une solution. Quelle que soit la réponse, l'ensemble des pays baltes et la Commission européenne doivent collaborer pour sauver Kaliningrad. C'est un devoir moral, mais c'est aussi notre intérêt commun.

Secure your copy of PS Quarterly: The Year Ahead 2025
PS_YA25-Onsite_1333x1000

Secure your copy of PS Quarterly: The Year Ahead 2025

Our annual flagship magazine, PS Quarterly: The Year Ahead 2025, has arrived. To gain digital access to all of the magazine’s content, and receive your print copy, subscribe to PS Digital Plus now.

Subscribe Now

Pourquoi ? L'élargissement de l'UE va donner une impulsion considérable à toute l'Europe, en particulier aux pays baltes qui vont en bénéficier. Jusqu'à présent, la seule préoccupation de l'UE a été de restreindre le régime des visas que les citoyens de l'enclave utilisent actuellement pour traverser la Pologne ou les pays baltes lorsqu'ils se rendent dans le reste de la Russie. L'élargissement de l'UE va accroître les échanges commerciaux et stimuler la croissance, ce qui pourrait transformer Kaliningrad en un voisin et un partenaire commercial attractif, au lieu de n'être qu'un objet de crainte comme source potentielle d'immigrants russes clandestins qui profiteraient d'un régime de visas supposé laxiste. Mais si cela échoue, le contraste entre Kaliningrad et le reste de la région va être frappant ; ce serait honteux.

La liaison entre Kaliningrad et le reste de la Russie pose un sérieux problème auquel il faut apporter une réponse. Mais pour sérieux qu'il soit, il n'est que temporaire. La question cruciale est de créer une structure qui permette à Kaliningrad de participer au développement et aux échanges commerciaux de la région.

Les autorités de Moscou, Bruxelles et Kaliningrad doivent se concerter pour mettre au point un projet détaillé d'intégration de Kaliningrad dans la région baltique. Kaliningrad a besoin d'aide pour diminuer une délinquance endémique, améliorer l'état de santé préoccupant de la population et créer un environnement favorable à l'investissement privé.

Je ne doute pas que tous les pays baltiques soient prêts politiquement et financièrement à soutenir une telle initiative. La question de Kaliningrad est un test décisif qui va mettre en évidence la réalité de l'engagement de l'UE derrière le discours sur la dimension nordique . La réunion ministérielle cette semaine à St Petersbourg ne devrait être que le début de la résolution de la question de Kaliningrad.

https://prosyn.org/SWjXQPPfr