marzinotto8_Jim DysonGetty Images_euro Jim Dyson/Getty Images

Repenser le cadre budgétaire de l'UE

MILAN – Peu après le choc de la pandémie de COVID-19 au printemps 2020, l'Union européenne a activé la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance (PSC), en suspendant ainsi les limites imposées par l'Union aux déficits budgétaires et à la dette publique des États membres. Cette clause prévoit un retour quasi automatique aux règles du PSC une fois la crise terminée, mais les décideurs de l'UE devraient définir une autre voie.

Les avantages économiques du PSC – qui limite les déficits budgétaires des pays à 3 % du PIB et la dette publique à 60 % du PIB – est véritablement passé au crible au cours de cette pandémie. Deux positions rivales semblent se dessiner. Les partisans de la première préconisent la réforme et la simplification des règles budgétaires. Ceux de la seconde se montrent plutôt favorables à une transition des règles vers des normes qualitatives, par lesquelles chaque État membre gère ses propres affaires budgétaires en vue d'un endettement supportable.

Les règles budgétaires de l'UE sont déjà en partie affectées par la viabilité de la dette, principalement sous le volet préventif du PSC. Les pays de la zone euro sont jugés en fonction de leur capacité à cibler un équilibre budgétaire structurel, calculé en soustrayant la composante cyclique du niveau de stabilisation de la dette du déficit nominal.

Mais les règles budgétaires de l'UE sous le volet préventif du PSC, qui traite des mesures visant à résoudre les déficits et les dettes excessifs, ont toutefois une relation, moins évidente, vis-à-vis de la viabilité de la dette. Il n'existe aucune explication théorique expliquant pour quelles raisons un ratio dette publique/PIB de 60 % est plus durable qu'un ratio dette publique /PIB de 100 %, ni pour quelles raisons la même limite doit s'appliquer à chaque pays.

Il ne s'agit pas ici de balayer d'un revers de main le volet préventif dans sa globalité. Le problème est que le volet préventif relativement sensé du PSC se fonde sur des indicateurs artificiels et difficilement mesurables, comme l'écart de production et la sensibilité d'un budget au cycle conjoncturel, qui sont censés ne pas varier au fil du temps. Le problème des outils de mesure risque de persister même dans la perspective de règles budgétaires européennes simplifiées.

L'un des avantages importants de l'approche normalisée, c'est qu'elle abordera en partie les problèmes relatifs aux outils de mesure. Les pays seraient simplement obligés de rendre leur dette publique aussi durable que possible en tenant compte de l'évolution de l'équilibre budgétaire primaire, du coût de la dette, du taux de croissance nominal et des effets des politiques actuelles et futures.

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Mais cette approche présente une faiblesse potentielle liée à la surveillance ainsi qu'à ses implications politiques. Selon la proposition la plus citée, les déficits budgétaires doivent être considérés comme excessifs « lorsque la dette n'a pas une forte probabilité d'être soutenable, sous réserve des politiques actuelles et à venir ». Mais continuer à mettre l'accent sur le déficit budgétaire annuel prive les pays de la zone euro de la possibilité d'optimiser la consommation au fil du temps, ce qui pourrait nécessiter des « déficits déstabilisants de la dette » au cours d'une année donnée.

En outre, que se passe-t-il lorsqu'un pays a un niveau de dette non soutenable ? Une correction politique imposée par l'UE risque de provoquer une réaction politique. L'autre choix envisageable est celui de la restructuration de la dette, qui devrait en elle-même décourager les emprunts non soutenables, indépendamment du type de règles ou de normes en place.

Les deux camps du débat sur le PSC présupposent l'opportunité d'une discipline budgétaire au sein d'une Union monétaire. Mais est-il encore logique de surveiller et de sanctionner les « déficits excessifs », quel que soit le sens que l'on donne à ce terme ? Des excédents excessifs ne seraient-ils pas tout aussi indésirables ?

Il y a deux raisons fondamentales pour lesquelles l'Union monétaire européenne s'était dotée du PSC. Premièrement, les décideurs associaient la prodigalité budgétaire à une inflation soutenue et élevée. Mais le lien entre la gestion de la demande globale et l'inflation semble aujourd'hui rompu. L'inflation de la zone euro est inférieure à l'objectif de 2 % de la Banque centrale européenne (BCE) depuis au moins 2013, malgré un fort soutien monétaire et des preuves d'une position budgétaire pro-cyclique en période favorable.

La deuxième raison concerne l'aléa moral. En l'absence de règles budgétaires contraignantes de l'UE, certains États membres pourraient être tentés d'emprunter des montants excessifs, ce qui pourrait provoquer des taux d'intérêt plus élevés sur le marché (notamment pour les pays plus prudents sur le plan budgétaire) et des risques de convertibilité dans le cas où le déficit budgétaire s'accompagnerait d'une probabilité de non-remboursement plus élevée. Mais le contexte macroéconomique et institutionnel actuel rend cet argument moins convaincant.

La position ultra-accommodante de la BCE en matière de politique monétaire réduit au silence l'effet externe négatif des dépenses à fort déficit par le biais du canal des taux d'intérêt. Le choc de la COVID-19 a forcé les gouvernements à dépenser beaucoup plus en faveur de mesures de soutien des revenus, mais tous les pays essaieront probablement de mettre de l'ordre dans leurs finances publiques après la pandémie – probablement avant que la BCE ne commence à normaliser progressivement sa politique.

Pendant un certain temps, en fait, le défi dans la zone euro va consister à encourager des dépenses délibérément supérieures aux recettes. Aucun État membre ne voudra risquer ses finances publiques lorsque les pays moins dépensiers devront partager les bénéfices sous forme de fortes exportations, tandis que les gouvernements qui poursuivent des politiques plus souples devront assumer seuls les coûts de la dette publique plus élevée, peut-être juste au moment où la BCE commencera à augmenter les taux d'intérêt.

En outre, les dettes non soutenables dans un pays sont moins une menace existentielle pour l'euro à présent, qu'elles ne l'étaient au lendemain de la crise financière mondiale de 2008. Un défaut de paiement unilatéral simple est peu probable. L'UE a de facto ouvert une procédure formelle de restructuration pour les pays dont la dette est considérée comme non soutenable par la Commission européenne ainsi que par le Mécanisme européen de stabilité. Les données probantes démontrent que les restructurations préventives sont beaucoup moins coûteuses que les défauts de paiement unilatéraux. En tant que tels, elles ne posent pas de risques de convertibilité, et les externalités macroéconomiques négatives sont probablement modérées. La charge incombera principalement à la restructuration des pays sous forme de préjudice à leur image de marque.

Une meilleure solution consisterait à canaliser les subventions via la nouvelle facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l'UE. Cela encouragerait les dépenses à travers l'UE sans nuire aux finances publiques de chaque pays, en réduisant ainsi le risque d'une spirale budgétaire excédentaire juste après la pandémie. Mais la méthode d'allocation des subventions de la FRR pourrait être améliorée. Actuellement, environ 70 % des fonds disponibles sont alloués sur la base d'un objectif de redistribution, les membres les plus pauvres de l'UE recevant relativement plus que les plus riches.

La zone euro dans son ensemble n'a probablement pas besoin d'une discipline budgétaire descendante inspirée du PSC. Les décideurs politiques devraient plutôt concentrer leurs efforts de réforme sur la transformation de la FRR en un outil politique anti-cyclique approprié qui encourage les dépenses, en particulier lorsque les pays manquent de marge budgétaire pour des raisons qui échappent à leur contrôle. À cette fin, ils devraient allouer une plus grande part des fonds disponibles en fonction des circonstances cycliques propres à chaque pays, même si cela revient simplement à modifier l'échéancier des décaissements des fonds préalloués de l'UE.

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