eurozone sign Medé Libé/Flickr

Les objectifs (inutiles) de déficit de l'Europe ?

BRUXELLES – Les règles budgétaires de l'Union européenne ont subi des améliorations indispensables ces dernières années, mais il reste fort à faire. Non content de souffrir d'un manque de clarté sur les questions clés, la politique budgétaire de l'UE reste trop axée sur des objectifs à court terme, qui se traduisent par une insistance inutile sur les objectifs de déficit nominal sur les cycles budgétaires annuels.

Certes tous les pays de l'UE ont un intérêt réel dans la viabilité des finances publiques de leurs collègues. Mais les déficits annuels sont des approximations peu fiables sur la probabilité qu'un membre doive rembourser la dette d'un autre membre. L'existence de circonstances exceptionnelles, que l'on peut à présent invoquer pour distribuer le fardeau de tous les ajustements nécessaires sur une période de plus d'un an, est utile. Mais elle n'élimine pas la polarisation à court terme qui structure les règles budgétaires de l'UE.

Sur un marché entièrement intégré, le financement annuel des déficits publics ne devrait pas être un problème, quand l'encours de la dette est durable. C'est pourquoi l'UE doit s'efforcer de créer un cadre budgétaire ayant pour unique objectif de s'assurer que les dettes de ses membres sont durables. Par définition, cet objectif doit être propre à chaque pays. Il ne nécessite pas un déficit global inférieur à 3% du PIB chaque année dans chaque pays. Mais cela va demander un cadre d'analyse plus sophistiqué que le cadre actuel, qui distingue à peine les pays sur le fait de savoir s'ils se conforment au plafond de l'UE de 60% du PIB sur la dette publique.

La zone euro est bien mieux placée pour contrôler des pressions budgétaires qu'elle ne l'était par le passé. Le schéma « d'opérations monétaires à terme sec (OMT) » de la Banque Centrale Européenne fournit un renfort important à la viabilité de la dette. Et une union bancaire une fois mise en place devrait pouvoir contenir le risque de crise et de contagion financière. En attendant, l'assouplissement quantitatif mis en place par la BCE a réduit les craintes que les gouvernements se trouvent à court de liquidités, du moins pour l'instant.

Les efforts visant à rendre les règles plus flexibles représentent une évolution positive mais des lacunes subsistent, étant donné en particulier que les risques de mise en œuvre rendent difficiles une quantification des effets macroéconomiques dus aux modifications réglementaires. Par exemple, il n'est pas évident de savoir comment traiter le fait que les décisions par de grands pays ont de plus importants coûts externes positifs et négatifs, que ceux de leurs pairs plus petits, préparant ainsi le terrain pour un traitement différent dans une union monétaire entre membres tenus pour égaux. La marge de discrétion laissée à la Commission européenne pour traiter de tels résultats ne l'est pas davantage.

Avant tout, les perspectives budgétaires à long terme doivent être entièrement intégrées au sein de l'UE et de ses États membres. Les institutions devront être remodelées pour se conformer à cette approche et pour résoudre certaines ambiguïtés dans le cadre actuel, tout en évitant la discrimination ou la politisation.

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Un véhicule possible pour accomplir cette tâche est celui des conseils indépendants que le contrat budgétaire de l'UE a maintenant rendus obligatoires pour chaque pays de la zone euro. Ces conseils sont chargés d'évaluer l'exactitude des prévisions macro-économiques, de surveiller la conformité aux objectifs et d'assurer la viabilité budgétaire à long terme. Mais on ne sait toujours pas exactement comment ils s'insèrent dans le cadre budgétaire global. En effet, la complexité des règles de l'UE peut limiter la capacité des conseils à remplir leur fonction.

Les conseils budgétaires ne doivent pas être mis dans la position d'essayer d'interpréter la lettre du contrat fiscal. Il serait nettement préférable de leur attribuer la seule tâche d'évaluer la viabilité de la dette et de conseiller les gouvernements à cet égard. Leurs recommandations doivent être contraignantes, mais elles doivent également se concentrer sur le moyen terme, plutôt que sur les résultats budgétaires annuels.

Dans certains cas, les conseils budgétaires pourraient imposer des conditions bien plus rigoureuses que celles que stipulent les règles courantes de l'UE, mais ils seraient limités à imposer l'équilibre structurel que chaque signataire du contrat fiscal a incorporé dans sa constitution ou dans la législation également obligatoire. Dans d'autres cas, les recommandations des conseils pourraient être plus souples sur une base annuelle par rapport aux règles actuelles de l'UE. Quoi qu'il en soit, les recommandations auraient l'avantage d'être mieux adaptées aux besoins locaux, surtout si les conseils sont responsables devant les parlements nationaux.

La meilleure manière de préserver l'indépendance des conseils au fil du temps pourrait consister en un contrôle de haut en bas au niveau de la zone euro, par exemple par l'établissement d'un Conseil Budgétaire Européen devant s'assurer que chaque conseil national accomplit son mandat. Le Conseil Budgétaire Européen aurait le droit de demander une évaluation modifiée de la trajectoire budgétaire et des conditions d'un pays. Avec une telle autorité limitée, il n'y aurait aucun besoin que le Conseil Budgétaire Européen soit responsable ni démocratiquement légitimé au niveau européen.

En plus de favoriser une perspective à long terme, cette structure de gouvernance répondrait également à quelques-unes des questions qui se posent par une plus grande souplesse. Des autorités nationales indépendantes seraient mieux placées non seulement pour évaluer des risques de mise en œuvre, mais également pour préconiser des réformes structurelles. En outre, un tel système impliquerait un faible risque de discrimination de haut en bas envers les petits pays. Pendant que les gouvernements nationaux endosseraient la responsabilité de l'objectif européen de viabilité budgétaire, les objectifs budgétaires annuels imposés par l'UE deviendraient désuets, à tel point qu'ils finiraient par être complètement abandonnés.

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