stiglitz289_SAUL LOEBAFP via Getty Images_bidenrescueplan Saul Loeb/AFP via Getty Images

La fausse piste de l’inflation

NEW YORK – De légères augmentations du taux d’inflation aux États-Unis et en Europe provoquent des inquiétudes sur les marchés financiers. L’administration du président américain Joe Biden aurait-elle créé un risque de surchauffe de l’économie, en adoptant son programme de sauvetage de 1 900 milliards $ ainsi que ses plans de dépenses supplémentaires d’investissement dans les infrastructures, la création d’emplois, et le soutien au ménages américains ?

Ces inquiétudes sont prématurées, compte tenu de l’incertitude profonde à laquelle nous demeurons confrontés. Jamais auparavant nous n’avions connu de ralentissement engendré par une pandémie, caractérisé par une récession d’une brutalité disproportionnée dans le secteur des services, un creusement sans précédent des inégalités, et une forte augmentation des taux d’épargne. Personne ne sait même si et quand le COVID-19 sera maîtrisé dans les économies développées, et encore moins au niveau mondial. Tout en évaluant les risques, nous devons nous préparer à toutes les éventualités. De mon point de vue, l’administration a déterminé à juste titre que les risques associés une action insuffisante étaient bien plus redoutables que les risques liés à une action peut-être excessive.

Par ailleurs, l’actuelle pression inflationniste résulte pour l’essentiel de goulots d’étranglements du côté de l’offre à court terme, qui sont inévitables lorsque redémarre une économie stoppée temporairement. Nous ne manquons pas de capacité mondiale dans la fabrication d’automobiles ou de semiconducteurs ; seulement voilà, lorsque toutes les nouvelles voitures recourent à des semiconducteurs, et que la demande automobile se trouve plongée dans l’incertitude (comme elle l’a été durant la pandémie), alors la production de semiconducteurs est nécessairement limitée. Plus largement, la coordination de tous les intrants de production au sein d’une économie mondiale intégrée et complexe constitue une tâche immensément difficile, que nous avons trop souvent tendance à considérer comme acquise dans la mesure où les choses fonctionnent si bien, et parce que la plupart des ajustements s’effectuent « à la marge ».

https://prosyn.org/AMwKXQ1fr