mahbubani25_MANAN VATSYAYANAAFP via Getty Images_vietnam covid Manan Vatsyayana/AFP via Getty Images

L'Asie de l'Est prend une nouvelle longueur d'avance

SINGAPOUR – Les bilans de victimes sont sans équivoque. La disparité la plus frappante entre les décès dus à la COVID-19 à ce jour se situe entre les pays d'Asie de l'Est, où le nombre total de décès par million d'habitants est constamment inférieur à dix, et une grande partie de l'Occident, où les décès se comptent par centaines. Par exemple, le Japon a jusqu'à présent déclaré 7,8 décès par million, suivi par la Corée du Sud (5,8), Singapour (4,6), la Chine (3,2) et, plus remarquable encore, par le Vietnam, avec zéro décès. En revanche, la Belgique a maintenant 846 décès confirmés par million, et le Royaume-Uni en a 669, suivi par l'Espagne (608), l'Italie (580) et les États-Unis (429).

Qu'est-ce qui explique cette différence extraordinaire ? Même s'il nous semble difficile de fournir une réponse, trois explications possibles semblent se démarquer. Premièrement, aucun des États d'Asie de l'Est ne pense avoir « réussi », et encore moins avoir atteint la « fin de l'histoire. » Ils sont loin donc de considérer leurs sociétés comme étant l'apothéose des possibilités humaines. Deuxièmement, les pays d'Asie de l'Est investissent depuis longtemps dans le renforcement des institutions gouvernementales au lieu de tenter de les affaiblir, ce qui s'avère payant à l'heure actuelle. Troisièmement, l'essor spectaculaire de la Chine représente pour ses voisins de la région autant d'opportunités que de défis.

Il est toujours dangereux de simplifier à l'excès. Pourtant, certains faits montrent que si les Européens ont tendance à croire en la sécurité sociale parrainée par l'État, les habitants de l'Asie de l'Est considèrent encore la vie comme étant un mélange de luttes et de sacrifices. Le président français Emmanuel Macron se bat pour réformer le système de retraite de son pays et pour diminuer les prestations de retraite afin de parvenir à des réductions indispensables des déficits budgétaires. En conséquence, la France a connu des mois de manifestations des « Gilets jaunes ». En revanche, lorsque la Corée du Sud a été confrontée à une crise financière bien plus grave en 1997-98, de vieilles dames ont fait don de leurs bijoux à la banque centrale pour tenter de l'aider à se relever.

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