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Politique climatique : tout espoir n'est pas perdu aux USA

BOULDER, COLORADO – La COP25 (Conférence des Nations unies sur le changement climatique) qui se tient actuellement à Madrid devrait ouvrir la voie à des engagements nationaux plus ambitieux en matière de climat. Or l'implication des USA est cruciale, alors que leur président ne fait pas faire grand chose dans ce domaine.

Selon un rapport récent, il n'est pas encore trop tard pour que les USA participent à l'effort international destiné à éviter les conséquences les plus graves du réchauffement climatique. Il y faudra l'engagement des différents Etats du pays, des villes et des entreprises qui agissent déjà, mais aussi celui du gouvernement fédéral.

Derrière la Chine, les USA sont le principal pays émetteur de gaz à effet de serre, et ils ont occupé le premier rang durant des décennies. La Chine les a dépassés en 2006, mais ils conservent la première place en terme d'émissions cumulées. Et pourtant, au lieu de prendre la tête de la lutte contre le réchauffement climatique, le gouvernement de Trump a abrogé une grande partie de la réglementation fédérale relative au climat et à l'environnement et a annoncé officiellement le retrait des USA de l'accord de Paris sur le climat pour fin 2020.

Heureusement, tout le pays ne s'aligne pas sur la position de Trump. Une coalition d'Etats, de villes, d'entreprises, d'universités et encore d'autres acteurs ont affirmé leur volonté de s'engager. Le gouvernement fédéral ayant décidé de se retirer de l'accord de Paris, ils agiront pour que les USA respectent leur engagement.

Ce n'est pas une déclaration faite au hasard. Les plus de 3800 participants de la coalition (des Etats, des villes et des comtés) comptent pour 65% de la population américaine, prés de 70% du PIB du pays (une économie qui dépasse celle de la Chine) et plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre des USA. A titre d'exemple, 145 villes américaines se sont engagées à produire une électricité propre à 100% et six d'entre elles y parviennent déjà.

Des questions importantes restent néanmoins en suspens. Que peut faire la coalition pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sans le concours de l'Etat fédéral ? Dans quelle mesure son intervention et celle du Congrès pourraient-elles améliorer la situation ? Ce sont des questions auxquelles America’s Pledge, une initiative philanthropique de Bloomberg, a cherché à répondre au cours de l'année dernière.

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Les réponses sont à la fois rassurantes et décourageantes. Accelerating America’s Pledge, le troisième rapport que vient de publier America's Pledge en collaboration avec l'institut Rocky Mountain, l'université du Maryland et l'institut World Resources montre que si les Etats, les villes et les entreprises s'engagent davantage, ils sera possible de réduire de 37% les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à leur niveau de 2005.

Autrement dit, même sans participation de l'Etat fédéral, les USA peuvent réduire drastiquement leurs émissions, améliorer la qualité de l'air et stimuler l'économie. Pour réussir, il faudrait que la coalition s'élargisse encore et agisse rapidement pour transformer radicalement la production d'énergie et le secteur des transports en s'appuyant notamment sur les mesures que les Etats, les villes et les entreprises ont déjà prises.

Cet engagement partant de la base pourrait avoir un impact bien au-delà des frontières des USA, car il pourrait servir d'exemple - et c'est déjà le cas. Ainsi en Argentine, au Japon, au Mexique, en Afrique du Sud, aux USA et au Vietnam, l'initiative Alliances for Climate Action réunit des villes, des Etats, des entreprises, des investisseurs, des universités et des organisations de la société civile qui collaborent et poussent leurs gouvernements nationaux à agir en faveur du climat.

Le rôle de ces derniers reste important. Malgré tout le potentiel des initiatives issues de la base, le résultat est bien meilleur quand ils interviennent. Le rapport d' America's Pledge montre que si l'Etat fédéral américain s'impliquait à nouveau avec une stratégie de grande envergure, les USA pourraient réduire leurs émissions de 49% d'ici 2030, ce qui lui permettrait d'atteindre l'objectif Zéro émission nette en 2050.

Aussi, malgré trois années d'indifférence de la part des autorités fédérales, tout espoir d'engagement des USA dans la lutte contre le réchauffement climatique n'est pas perdu. Mais nous ne pouvons pas nous permettre de rester les bras croisés. La transformation nécessaire ne pourra se faire sans une large mobilisation des citoyens, moins de gaspillage dans la production d'énergie, des innovations de rupture, une refonte de la structure des marchés et des investissements qui prennent en compte le long terme. Le Congrès américain et l'exécutif doivent prendre rapidement des mesures fortes et donner la priorité à la politique climatique et aux transformations économiques qui doivent l'accompagner.

Les bénéfices à en tirer sont colossaux. Hormis l'environnement, bien conçues et appliquées, les mesures proposées dans le rapport d'America's Pledge pourraient donner un coup de fouet à l'économie, diminuer les prix pour les consommateurs et améliorer la santé publique. D'ici 2030, la transformation de l'économie et le recours aux nouvelles technologies et aux sources d'énergie verte pourraient aboutir à une production d'électricité et de voitures propres et à la construction de bâtiments plus performants et à meilleur prix.

Ainsi, plutôt que de conserver en fonctionnement une centrale électrique à charbon, il est déjà moins cher de la remplacer par des sources d'énergie solaire et éolienne. Cette transition créera de nouveaux emplois, entre autres dans le secteur des énergies renouvelables, des véhicules électriques et de l'agroforesterie durable. Selon une analyse récente de la Commission mondiale sur l'économie et le climat, une politique climatique bien conçue pourrait générer 26 000 milliards de dollars de bénéfices et susciter la création de 65 millions d'emplois au sein de l'économie mondiale d'ici 2030.

Aux USA, hors l'Etat fédéral, citoyens, ONG et autorités locales ont créé les fondations nécessaires à la lutte contre le réchauffement climatique et ils continuent à prendre des initiatives. Néanmoins, pour parvenir rapidement aux transformations indispensables, il faut que davantage d'élus et de dirigeants fédéraux s'engagent eux aussi.

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

https://prosyn.org/fnhY4tRfr