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Notre boîte à outils économique se vide

NEW DELHI – Dans le règne naturel, les êtres humains se sont distingués par la complexité des outils, des techniques et des institutions qu’ils ont mises au point. Selon l’anthropologue Joseph Henrich, ce succès résulte de notre capacité à accumuler, à partager et à adapter l’information culturelle d’une génération l’autre. Mais si ces interconnexions permettent à nos « cerveaux collectifs » de se développer à mesure que le temps passe, l’inverse peut aussi se produire : l’isolement peut être cause de leur rétrécissement. Les économistes devraient en prendre note.

L’innovation et l’accumulation étant des processus socio-culturels, plus les populations connectées se multiplient et augmentent, plus elles sont en mesure de créer des outils évolués. L’expansion intergénérationnelle de nos cerveaux collectifs dépend, selon Henrich, de la « capacité des normes sociales, des institutions et des psychologies créées par ces dernières » à susciter en chacun le libre désir « d’inventer, de partager et de réarranger de nouvelles idées, de nouvelles croyances, connaissances et pratiques ».

Pour comprendre comment l’isolement peut interrompre, voire renverser le processus, il n’est qu’à considérer l’exemple de la Tasmanie, qui s’est séparée voici quelque douze mille ans de l’Australie lorsque la fonte des calottes glaciaires polaires a provoqué l’inondation de l’actuel détroit de Bass. Les vestiges archéologiques indiquent qu’avant cette séparation les populations continentales et de Tasmanie avaient les mêmes connaissances – elles savaient par exemple faire du feu –, et les mêmes technologies, comme le boomerang, le propulseur, la pierre polie et les outils d’os.

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