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Protéger la démocratie contre les « Big Lies »

PARIS – Depuis les Protocoles des Sages de Sion jusqu’au soi-disant génocide perpétré par les Nazis que seraient les Ukrainiens, les Russes sont passés maîtres dans l’art de la désinformation, terme d’ailleurs inventé par les Soviétiques dans les années 20. Ces Protocoles, un faux publié en Russie au début du 20ème, étaient censés révéler le vaste complot fomenté par les Juifs pour dominer le monde. Ce document apocryphe a hélas contribué à l’exacerbation de l’antisémitisme virulent qui a conduit à l’extermination des Juifs d’Europe. Quant au prétexte de la lutte contre le nazisme invoqué par Poutine pour justifier l’invasion de l’Ukraine, s’il ne trompe personne hors la Russie, il n’est pas sans rapport avec les atrocités commises à Bucha et ailleurs par des soldats russes aussi mal formés que mal informés. Sans conteste, la désinformation tue. Elle peut aussi faire basculer un pays du mauvais côté de l’histoire.

Les ingérences russes ayant abouti en 2016 à l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis et au Brexit au Royaume-Uni a fait effet de wake up call : il a fallu ces deux chocs pour que les démocraties prennent conscience de la capacité des Etats autoritaires à mener une guerre informationnelle d’un nouveau genre. Leurs buts : déstabiliser et diviser la société civile et affaiblir la démocratie, et en premier lieu l’Europe.

Si la France est restée longtemps peu sensibilisée au défi des ingérences étrangères, le Macron Leaks a changé la donne. Il a permis de mesurer l’ampleur des dégâts des stratégies de désinformation. Au même titre qu’en mars 2016 WikiLeaks avait diffusé des dizaines de milliers de courriels d’Hillary Clinton issus de sa messagerie privée lorsqu’elle était Secrétaire d’Etat, cette même organisation avait en effet publié entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2017 des courriels d’Emmanuel Macron piratés et falsifiés, tout en propageant la rumeur – fausse – de l’existence de comptes offshore. En 2019, pareille mésaventure est arrivée à Angela Merkel et à des centaines de personnalités politiques allemandes dont des données avaient alors fuité sur Twitter. Enfin, l’ingérence de la Russie dans les élections au Parlement européen avait quant à elle conduit la Commission européenne à publier en 2020 un plan d’action contre la désinformation pour protéger l’intégrité des élections.

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